jeudi 7 janvier 2010

Chronique d’une grève générale annoncée : épisode 3

LES GUADELOUPEENS SONT-ILS DES GRENOUILLES COMME LES AUTRES ?


Discrétion et gros bras

Quel est donc ce pouvoir qui, pour faire passer une augmentation du coût de l’essence, est obligé de le faire en catimini, sur la pointe des pieds : de l’annoncer subrepticement la veille du réveillon de fin d’année. Un pouvoir, qui plus est, qui se limite à une hausse de 4 centimes ? Espère-t-il vraiment que ce procédé parviendra à endormir les Guadeloupéens ? Il semblerait qu’il ne soit pas si confiant que ça si l’on en juge par l’impressionnant dispositif policier qui quadrille la Guadeloupe depuis quelques jours. A Jarry, il y a des gendarmes aux entrées, à chaque rond-point, partout et la démonstration de force s’étend sur tout le territoire de la Guadeloupe, devant Carrefour, sur les principaux axes, etc. Il faut bien une telle intimidation pour espérer faire avaler le principe d’une augmentation contre laquelle s’étaient prononcés les élus du Conseil Général, du Conseil Régional, les parlementaires, bon nombres de maires et la population au travers des organisations de la société civile qui constituent le LKP. Tous sont unanimes, sur la base de plusieurs rapports parlementaire pour reconnaître que pendant des années et des années les Guadeloupéens ont été volés (voir notamment http://chien-creole2.blogspot.com/2009/12/dossier-essence-2eme-partie.html) et qu’il est hors de question d’augmenter l’essence tant que la transparence sur la structure du prix des carburants n’aura pas été faite, comme convenu dans l’accord dit de fin de conflit, du 4 mars.


La méthode décryptée

Marie-Luce Penchard mise sans doute sur le fait que l’augmentation de seulement 4 centimes ne provoquera pas une indignation suffisamment forte pour remobiliser les Guadeloupéens au lendemain des dépenses engendrées par les fêtes. Le gouvernement, ni plus, ni moins, est en train de tester sur le citoyens antillais une expérience menée à la fin du XIXème siècle sur des grenouilles : "Une grenouille vivante peut en fait être bouillie sans qu'elle bouge si l'eau est chauffée assez lentement ; dans une expérience, la température a été augmentée de 0.002°C. par seconde, et la grenouille fut retrouvée morte après 2 heures 30 sans avoir bougé" révèle Edward Scripture dans son ouvrage The new psychology, paru en 1897 et se référant à une expérience menée en 1882 à l’institut John Hopkins.

Si la grenouille avait été plongée directement dans l’eau chaude, il est évident qu’elle aurait bondi aussitôt, mais comme l’augmentation a été progressive, elle n’a pas bronché, ce qui a causé sa perte. Est-ce à dire que Marie-Luce Penchard estime que les capacités intellectuelles de ses compatriotes ne dépassent pas celles d’un batracien soumis à une augmentation progressive ? On dirait bien.


Une question idéologique

En réalité, cette augmentation a deux objectifs : l’Etat ayant promis 94 millions d’euros à la SARA et aux pétroliers qui la composent, il faut bien que quelqu’un mette la main à la poche, ça c’est pour le côté pragmatique. L’autre aspect est purement idéologique. Il est insupportable pour ce gouvernement néolibéral de laisser entendre qu’il est possible d’échapper à la loi du Marché dont il est le fidèle serviteur. Notons au passage à quel point l’interprétation de cette doctrine, qui condamne l’intervention de l’Etat, est flexible : lorsqu’il s’agit, comme c’était le cas en Guadeloupe pour l’essence, de fixer des prix outrageusement avantageux pour le secteur privé, l’Etat n’avait aucun scrupule idéologique ; pas plus que quand il s’est agit de renflouer les banques avec l’argent public. En revanche, il hurle à l’hérésie, à l’irresponsabilité dès lors que la réglementation serait en faveur de la population qui l’a élu… De son gros doigt menaçant, il dénonce les populistes animés par les pires intentions (déstabilisation, visées idéologiques inavouables, et j’en passe !). On peut parler de dogme à géométrie variable...


Quelle est la solution ?

Pendant ce temps-là, tous les jours des articles ou des reportages, dans les différents médias, imputent au LKP la responsabilité de la crise qui s’abat en Guadeloupe comme ailleurs, et dont les politiques libérales sont pourtant les vrais responsables. Les médias en question n’accordent d’ailleurs plus la parole au LKP. Victorin Lurel, président de Région, estime que la grève générale n’est pas la solution, ce qui amène Elie Domota à s’interroger : « qu’il nous dise quelle est la solution ». En parallèle aux meetings que le LKP multiplie ces derniers temps (ce soir, jeudi 7 au Moule ; vendredi 8 à la Mutualité) et qui vont déboucher sur une grande manifestation samedi matin à Pointe-à-Pitre, le LKP a aussi saisi la justice pour contester la première augmentation de 6 centimes avant de réitérer pour celle de 4 centimes. Selon Elie Domota, les arrêtés préfectoraux qui ont conduit à ces augmentations sont illégaux car la fixation du prix des carburants est réglementée par un décret datant de décembre 2003. Selon le droit français, un arrêté ne peut en aucune façon se substituer à un décret. Les augmentations décidées par messieurs Desforges et Fabre pourraient donc être invalidées. Seul problème, le recours a été déposé à la mi-novembre et depuis, aucune réponse. C’est pourquoi le LKP va dans les prochains jours interpeler le président du tribunal en adressant une copie au garde-des-sceaux.


Tous en grève générale lundi ?

La manifestation de samedi matin à Pointe-à-Pitre va donc bien au-delà des 4 centimes.

Elle exige que l’Etat respecte ses engagements. Le LKP, pas plus qu’il ne s’est laissé embarquer dans l’aventure douteuse des états-généraux, n’entend se laisser distraire pas le piège des élections régionales. « Le LKP ne présentera pas de liste et n’appellera à voter pour personne, même si les organisations qui composent le LKP sont libres d’y participer en leur nom propre si elles le souhaitent » rappelle sans équivoque le porte-parole du mouvement. « Cela prendra le temps qu’il faudra mais nous ne lâcherons pas jusqu’à avoir obtenu ce qu’on nous a promis et ce pour quoi on s’est battu. » Un préavis de grève illimité couvre tous les salariés souhaitant participer samedi à la manifestation et selon l’ampleur de la participation, il n’est pas du tout exclu que l’appel à la grève générale soit lancé pour lundi.

A suivre…

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

2 commentaires:

Anonymous Yann a dit...

Merci Frédéric.

"Le LKP, pas plus qu’il ne s’est laissé embarquer dans l’aventure douteuse des états-généraux, n’entend se laisser distraire PAR le piège des élections régionales."

Je vous soutiens tous depuis l'hexagone.

7 janvier 2010 à 23:54  
Anonymous le visiteur a dit...

nous sommes des mammifères
si quelqu'un vous dit
que les mammifères, c'est une espèce protégée, cela n'a aucun sens
car c'est comme pour les grenouilles qui ont au moins 200 espèces ;
enfin 200, façon de parler, comme pour les 200 familles
car c'est bien cette "espèce" qui survit en terrarium à nos frais,
à ses risques ET PERILS...

rage et courage

8 janvier 2010 à 03:05  

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