Dossier essence : 2ème partie
DE PAYEN A BRISSAC, DES RAPPORTS HAUTEMENT INFLAMMABLES
Un rapport officiel émis par le CESR (Comité Economique et Social Régional), plus connu sous le nom de rapport Payen, du nom de son rapporteur, va venir en juillet 2008 confirmer les accusations de Philippe Jouve et révéler de nouveaux scandales. Il dénonce des profits en constante augmentation, moyennant une marge de raffinage qui s’envole, donnant à la Guadeloupe le privilège d’avoir le prix de raffinage « le plus élevé d’Europe ». Il démonte les mécanismes qui conduisent à ces aberrations et reproche à la SARA et à ses actionnaires (Total 50%, Rubis 24%, Esso 14,5%, Texaco 11,5%) de créer « une situation anti-économique et anti-concurrentielle ». Le rapport Payen révèle aussi le curieux fonctionnement de l’accord AIP, qui prévoit pendant onze ans à compter de 2001, la constitution d’un fonds par prélèvement sur les carburants distribués, destiné à verser une prime aux gérants de station sortants. En Guadeloupe, il semblerait que les gérants se l’octroient au terme de chacun de leurs contrats, quand bien même il serait renouvelé.
Le rapport Brissac
Puis c’est Jean-Marie Brissac, militant CGTG, spécialiste de ces questions, qui va enfoncer le clou dans un nouveau rapport rendu public en avril 2009. Il était déjà vice-président du CESR, et a donc à ce titre participé au rapport Payen.
Invité par le LKP auquel il appartient pendant les négociations de février, il obtiendra d’Yves Jégo de pouvoir auditionner le directeur des douanes. On y voit un peu plus clair lorsqu’il parvient à lui faire dire que la SARA est effectivement importatrice de produit fini (sans plomb, gasol, etc.) dans les Antilles Françaises et ne raffine donc pas elle-même tout le pétrole qu’elle importe. Pourtant, il semblerait bien que ce carburant importé ait été facturé au consommateur au coût de raffinage pratiqué ordinairement en Martinique, certainement bien plus élevé que celui que la SARA a payé réellement à Sainte Lucie.
Une opacité qui prête à suspicion
Car le secrétaire d’Etat, pour sa part, reconnaîtra justement que la SARA a obtenu une dérogation de l’Union Européenne pour stocker de l’essence à Ste Lucie, petite île indépendante des Antilles, sous prétexte que la SARA était en travaux pour moderniser son outil de production. Brissac souligne au passage que la modernisation de l’outil en question est payée par les usagers et non par les actionnaires, comme cela devrait être le cas. Au bénéfice obtenu en raffinant dans une île à la main d’œuvre bon marché, vient s’ajouter le soupçon qu’en stockant dans un pays hors Union Européenne où la douane française n’a pas de droit de regard, certains pourraient avoir été tentés de mélanger aux produits aux normes européennes (plus coûteux), des produits tiers. Soupçons qui se renforcent quand Brissac ajoute, revenant sur le rapport Payen : « c’est pendant les années où la SARA n’a pas raffiné avec le prétexte des travaux, qu’elle a fait un maximum de bénéfices, en 2005, 2006, 2007. C’est la plus petite raffinerie de France mais pendant cette période, c’est celle qui fera proportionnellement le plus de bénéfices ! » Et puis, histoire de brouiller encore un peu plus les pistes, on apprendra grâce à la perspicacité du cégétiste Jean-Marie Brissac, que les actionnaires de la SARA, importent parfois directement du carburant, sans passer par cette structure, si ce n’est pour le stockage, une fois en Guadeloupe. Ils se trouvent donc dans une situation pour le moins curieuse, celle d’être à la fois actionnaires et concurrents de la SARA. Malgré les efforts remarquables du LKP, en matière de formation des prix des carburants, l’opacité demeure la règle.
Origines douteuses
Ainsi, la provenance réelle du pétrole avant qu’il ne soit transformé en carburant, n’a jamais pu être clairement établie. Or le coût du baril varie selon qu’il provienne d’Europe, d’Aruba, du Venezuela, des Etats-Unis, des Îles Vierges, de Sainte Lucie ou de Trinidad, qui sont les principaux fournisseurs de
Les marges collatérales de la dilatation
Jean-Marie Brissac pose aussi la question des "marges collatérales" engrangées grâce au problème de la dilatation : une directive européenne voudrait que l’essence soit taxée à 15 degrés Celsius, or en Guadeloupe l’essence est livrée à 25 degrés en moyenne. Prenons l’exemple d’un camion citerne qui part du dépôt de la SARA avec
Pompistes or not pompistes ?
Le patronat de son côté dénonce le surcoût répercuté sur le prix de l’essence par le millier de pompistes qui existe toujours en Guadeloupe. Ce surcoût est à relativiser si l’on considère que l’économie de
Le point de vue d’Yves Jégo
Mais la question des carburants, c’est encore Yves Jégo qui en parle le mieux (1).
source : http://www.cpolitic.com/cblog/
« Chaque année, révèle l’ancien secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, il y a une discussion à Bercy (…) sur un objectif de marge qui est accordé à
Il enfonce le clou :
« Nouvelle question de ma part, pourquoi 12% et pas 8% ou 4% ? Là encore, réponse gênée : « vous savez, 12% ce n’est pas beaucoup. Cela ne représente que quelques centimes par litre. » Exact ! Mais au final, chaque année, cette marge tacite permet à
(à suivre…)
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
(1) Les extraits qui suivent sont tirés du livre d'Yves Jégo : 15 mois et 5 jours entre faux gentils et vrais méchants, paru aux éditions Grasset (2009).
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Attention, la teneur de vos commentaires ne saurait engager la responsabilité de l'administrateur de ce blog. Les messages anonymes encourent le risque d'être supprimés, ainsi que les messages insultants, diffamatoires, racistes ou incitant à la haine. Pas de pub non plus. Merci à tous !
Abonnement Publier les commentaires [Atom]
<< Accueil