La peur comme arme de pouvoir
24 ET 25 NOVEMBRE : GREVE GENERALE! (2de partie)
Deux projets de société s’affrontent
Alors certes, la Guadeloupe est en crise, certes le monde est en crise. Qui en est responsable ? C’est la faute à pas de chance ? La conjoncture mondiale qui serait un peu comme la météo, capricieuse et parfois cruelle, mais qu’on ne peut que subir avec fatalisme, en tous cas ne pas en rajouter ? Non, cette situation est la résultante d’une politique menée depuis des décennies qui a enrichi de façon outrancière une petite élite aux dépens de l’immense majorité des travailleurs (voir http://chien-creole2.blogspot.com/2009/11/analyse-sociologique-suite-et-fin.html). Cette politique s’est basée sur les sacrifices constants consentis par les salariés.
Aujourd’hui ceux qui n’entendent pas payer les conséquences de la crise d’un système qui ne leur a jamais profité, les travailleurs, se voient pointer du doigt par les mêmes profitants, trop contents de désigner à l’opinion publique, grâce à des médias de plus en plus aux ordres, des bouc-émissaires : La crise, c’est eux ; les licenciements, c’est eux ; le taux de chômage en Guadeloupe, c’est eux ; les irresponsables, c’est eux ; les ennemis du peuple, c’est eux. Croient-ils vraiment les Guadeloupéens assez stupides pour avaler cette pilule ? Les organisations regroupées aujourd’hui dans ce qu’on appelle le LKP, se battent pour poser les bases d’une société plus juste, plus pérenne, plus équilibrée : meilleure répartition des richesses, véritable développement endogène, exigence de formation de qualité et d’insertion durable pour la jeunesse que le système actuel sacrifie, arrêt des profitations de tous ordres, respect de la diversité ethnique qui fonde la Guadeloupe à tous les échelons de la société, ce qui n’est pas le cas actuellement, etc. Le LKP pose les bases d’une économie assainie, d’une société qui replace l’humain au cœur des décisions, qui ne se fasse plus dans l’intérêt exclusif de la métropole ou de ses alliés économiques, la poignée de békés qui contrôle l’économie de l’archipel. En revanche, on peut dire que le système actuel en Guadeloupe, c’est la crise, le chômage qui bat tous les records de l'UE, l’absurdité d’une économie qui ne produit rien et vit sous assistance, le règne du non-droit, du non-respect des lois de la République, les cadeaux fiscaux vertigineux pour les patrons, pour les plus riches, les milliards pour maintenir les banques mais les hauts cris du porc qu’on égorge quand les bas-salaires osent réclamer 200 euros. Comme si, en plus, cet argent n’allait pas retourner dans le circuit d’une consommation qu’on peut espérer plus intelligente et avoir des effets vertueux sur l’économie d’une Guadeloupe qui reprendrait confiance en elle et ses capacités…
Guerre psychologique
Mais la peur que diffusent les médias n’est pas qu’économique. Ainsi, le 18 novembre, les Guadeloupéens ont eu la stupéfaction de constater la présence massive de militaires armés à différents points de l’île. L’explication leur a été apportée le soir même, au JT de RFO, par un curieux reportage réalisé par Jean-Charles Théobald et Olivier Duflot (cf. www.rfo.fr; sélectionner journal de Guadeloupe en haut à droite sur "les journaux régionaux"et rendez-vous sur l’édition du 18 novembre). Le commentateur a confirmé que depuis lundi, dans le cadre d’un exercice, un déploiement d’envergure, composé de militaires hollandais basés sur la petite île d’Aruba, appartenant aux Pays-Bas et des hommes du 33ème RIMA basé en Martinique se livraient à un exercice grandeur nature sur le territoire de la Guadeloupe. C’est le lieutenant-colonel Stéphane, béret vissé sur le crâne rasé, qui d’un ton martial, a expliqué le cadre de la mission. Il s’agit d’ « aller extraire des ressortissants français mais aussi d’autres pays qui nous ont demandé de nous occuper de leurs ressortissants dans un pays dont les structures étatiques sont, on peut les qualifier de faillies (sic), c'est-à-dire que le gouvernement n’a plus l’autorité, des milices ont émergé, des structures mafieuses ont commencé à déstabiliser le tissu social dans des proportions telles que le gouvernement ne peut plus garantir la sécurité des ressortissants étrangers sur son sol. » Oups, il a oublié de rappeler ce que la charmante présentatrice Laura Senné avait expliqué en introduction du reportage : à savoir que si l’objectif est effectivement « d’évacuer les ressortissants d’une île des Petites-Antilles menacés par les émeutiers », cette situation ne serait pas provoquée par une situation sociale endémique mais « après le passage récent de deux cyclones ».
Une façon de voir les choses...
Ce qui fait se demander à l’anthropologue d’origine guadeloupéenne bien connu, Nicolas Rey, si ces deux cyclones n’auraient pas pour nom Elie et Jean-Marie, clin d’œil respectivement à Domota et Nomertin, les deux principaux représentants du LKP ! Il faut dire que la ficelle est grosse, après la sortie d’extraits du livre de Jégo visant à déstabiliser le LKP (relire http://chien-creole2.blogspot.com/2009/11/la-democratie-au-sein-du-lkp.html), à grosso-modo une semaine de la reprise de la grève générale les 24 et 25 novembre voilà que survient cette opération médiatisée qui cherche à réveiller des peurs inconscientes. Faisant habilement suite à un reportage sur la situation catastrophique dans l’hôtellerie, ou un employé licencié et désabusé devisait « on s’est battu pour rien », ces images dramatisaient une situation incontrôlable et chaotique qui s’emparerait de l’île. Après les rumeurs de répression sanglante (voir http://chien-creole2.blogspot.com/2009/10/menaces-sur-le-lkp.html), la guerre psychologique continue donc. Les émeutiers assimilés à des "mafieux" et des "milices", font échos aux propos gravissimes de Frédéric Lefebvre, porte-parole du gouvernement, comparant le LKP aux sanguinaires tontons macoutes haïtiens du dictateur Duvallier.
Les vrais tontons macoutes, une comparaison insultante !
L’image de la France débordée par la situation qui abandonnerait l’île à son sort répond aussi à une peur partagée par une majorité de Guadeloupéens et cela se comprend : comme je l’ai déjà largement expliqué, la France n’a jamais contribué à développer ici une économie qui permette à la Guadeloupe de s’auto-suffire.Une indépendance sans préparation, du jour au lendemain, serait désastreuse.
Il est toujours plus tentant pour nos politiques d’avoir recours à la peur, de flatter nos bas-instincts, plutôt que de trouver des réponses sociales et politiques. L’exemple vient de haut :
après avoir par ses propos et son attitude enflammé la banlieue, le ministre de l’intérieur Sarkozy ne s’est-il pas fait élire sans mal président de la République, grâce en grande partie à un électorat effrayé par les débordements de violences et rassuré par les propos "couillus" du pompier pyromane ?
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
2 commentaires:
à signaler dans l'Humanité du 21 novembre ( sera prochainement en ligne)
Identité nationale : la preuve (négative) par les Antillais…
Tribune libre
PAR RAPHAËL CONFIANT, écrivain
à propos de ton billet, cette fois-ci, je vais être directe et tu vas me dire que je m'améliore :
La lutte du LKP, c'est une bonne lutte, nom de Dieu !
et effectivement les fondements de cette lutte sont sapés par la stratégie de domination coloniale.
C'est dit.
Bonne fin de semaine, Frédéric.
Cela conforte ce que je te disais dans un précédent commentaire : la volonté de la droite de gagner les régionales et pour ça, ils sont prêt à tout. Charcutage électorale, suppression de la taxe professionnelle avec la recentralisation des moyens de financement de ce côté-ci de l'Atlantique ; peur et intimidation du vôtre…
Les grandes manœuvres ont commencé…
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