vendredi 13 novembre 2009

Analyse (très) critique du discours de Sarkozy (2ème et dernière partie)


LES MESURES

I) LES MESURES CONCERNANT LA GUADELOUPE


1° La concurrence

a) Création d’un GIR concurrence qui réunira dans une même équipe : douanes, services fiscaux, direction de la concurrence et de la répression des fraudes, direction des services vétérinaires et même, éventuellement, l’inspection du travail. Le "GIR concurrence" ira chez les fournisseurs, les grossistes et les distributeurs pour faire la vérité sur les prix.

Quelques délégués du LKP se sont réunis au siège de l'UGTG pour écouter l'allocution de Nicolas Sarkozy (photo Julien Tack)


b) L’observatoire des prix sera désormais présidé par une personnalité indépendante qui pourra saisir directement la DGCCRF, Direction Générale de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, lorsque des écarts de prix significatifs seront constatés entre la métropole et la Guadeloupe

c) La baisse du seuil de signalement des opérations de concentration. C'est-à-dire que les communes pourront autoriser une superficie plus importante qu’en métropole pour les grandes surfaces.


2° Le développement endogène

a) La création d’un marché unique de 800 000 habitants entre la Guadeloupe et la Martinique supervisée par un commissaire au développement indigène, que dis-je : au développement endogène.

b) La création d’un institut technique agricole pour accompagner tous ceux qui veulent s’engager dans la diversification de la production agricole.

c) L’attribution de crédits à hauteur de 40 millions d’euros pour les agriculteurs qui s’engageront dans la voie de la diversification végétale et animale, et qui seront insérés dans une structure permettant de constituer des filières organisées.


3° Les aides patronales

a) Création d’un small business act ultramarin pour les PME (création d’un fond de garantie, défiscalisation à plus de 50% des prises de participation dans le capital des PME locales et le maintien pendant 5 ans de l’avance de 20% sur les marchés publics que l’Etat accorde aux PME)

b) Dans le secteur du tourisme :

- Moratoire sur les dettes sociales pendant un an, sans pénalité ni majorations, conditionné par « la signature avec les services compétents d’un plan d’apurement qui s’étalera sur 3 à 5 ans, et pourra prévoir des abandons de créance allant jusqu’à 50%. Il s’agit d’un geste fort, qui ne sera ni renouvelé, ni étendu »


- La bonification de chèques-vacances pour l’Outre-Mer

- Des départs pour la Guadeloupe depuis Roissy en 2011

- L’instauration d’une année de l’Outre-mer en 2011


La reconnaissance des syndicats locaux qui font le plus de voix aux élections lors des élections professionnelles.


5° La politique étrangère

La possibilité pour les collectivités régionales de représenter la France sous mandat dans les organismes de coopération régionale de leur zone géographique.


6° Lutte contre les discriminations à l’embauche

a) La nomination de la Guadeloupéenne Marie-Luce Penchard, à la tête du ministère de l’Outre-mer, qui n’était alors qu’un secrétariat d’Etat dépendant du ministère de l’intérieur.

b) Les emplois de catégorie B et C seront désormais réservés aux ultra-marins vivant sur place.

c) Pour les emplois de catégorie A, la création d’un vivier de talents ultra-marins qui sera interministériel et aura pour vocation de proposer, à chaque fois qu’un poste Outre-mer sera vacant, au moins un candidat ultramarin s’il en a les compétences.


7° Education

a) Grande campagne contre l’illettrisme

b) Suivi renforcé des élèves pour lutter contre l’absentéisme

c) Création d’un cursus complet de médecine à l’université, qui aura vocation à devenir un pôle d’attractivité pour les étudiants du bassin caribéen.


8° Le logement social

a) Plan de lutte pour la résorption de l’habitat insalubre

b) La cession à titre gratuit des terrains de l’Etat chaque fois que ce sera possible pour y construire des logements sociaux.


9° L’autonomie

Une large part des crédits d’intervention du préfet deviennent fongibles, c'est-à-dire que ce dernier pourra choisir à quoi il veut les attribuer en fonction de priorités qu’il déterminera depuis la Guadeloupe.


10° L’écologie

a) L’Etat pourra se substituer aux collectivités défaillantes si nécessaire, concernant la gestion des déchets notamment.

b) Augmentation de 20% du tarif de rachat par EDF des énergies propres.

c) Une exploitation maximale de la géothermie qui devrait permettre de couvrir la quasi-totalité des besoins en électricité.



II LES FAIBLESSES DES MESURES


1° Concernant la question de la concurrence.

Avant même l’annonce de ces mesures, Elie Domota, le porte-parole du LKP avait dénoncé dans les colonnes de Chien Créole notamment, certaines tendances qui semblaient devoir se dégager des états-généraux. Ainsi, sur la question de la concurrence, pour le LKP il est clair que dans la distribution, le problème n’est pas tant la concurrence (cf I,1°c.) que le fait que les lois de la République ne s’appliquent pas ici : la DGCCRF a déjà constaté des ententes illégales, des abus de position dominante, des marges arrières non redistribuées, or rien n’a été fait. Les écarts de prix faramineux entre la métropole et la Guadeloupe ne sauraient d’aucune façon s’expliquer par le simple prix du transport et de l’octroi de mer. La solution n’est donc pas de convertir la Guadeloupe en un nouveau Singapour avec une superficie totale de grandes surfaces encore plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui (la Guadeloupe, petit territoire a déjà des Cora, des Carrefours, Leader Price, Match, 8 à 8, Ecomax, etc.), mais tout simplement de faire appliquer les lois existantes.

source : le Mika déchaîné


Or on le voit l’Etat ne s’en donne pas les moyens : à l’heure où on supprime fièrement un fonctionnaire sur deux, où va-t-on trouver le personnel suffisant pour faire fonctionner le GIR concurrence qu’il promet (cf I,1°a) ? Rappelons que les promesses du 4 mars d’embaucher de nouveaux inspecteurs de la répression des fraudes n’ont jamais été tenues… Pourquoi cela changerait-il aujourd’hui ?


Mais faisons preuve un instant de candeur et supposons que ce gouvernement trouve les fonctionnaires nécessaires, on se rend compte qu’il n’y a aucun volonté coercitive vis-à-vis des profiteurs. Il s’agit seulement de constater les infractions. « Le "GIR concurrence" ira chez les fournisseurs, les grossistes et les distributeurs pour faire, si vous me passez cette expression, la « vérité sur les prix », nous dit Sarkozy. Autrement dit, il s’agit d’expliquer au Guadeloupéen comment il se fait arnaquer (pour rester poli), certainement pas de remédier à cet état de fait. Rien n’est prévu pour… Même chose pour l’observatoire des prix (cf I,1°b.), Sarkozy déclare : « Lorsque les prix sont plus élevés en outre-mer qu’en métropole, le distributeur doit être mis en situation de pouvoir l’expliquer et de donner au consommateur des éléments pour qu’il se fasse une opinion éclairée. Ma politique en la matière est simple, c’est que la transparence soit totale sur la formation des prix. » Transparence sur un système injuste, au fonctionnement illégal, mais aucune volonté de le remettre en cause, ni de sanctionner les abus… C’est ce que confirme Alain Plaisir : « l’observatoire des prix ne joue aucun rôle : il se contente d’observer et de publier les chiffres de l’INSEE, un point c’est tout. »


Les seules mesures concrètes que propose Sarkozy visent donc à l’évidence exclusivement à défendre la concurrence, pas du tout les consommateurs.


2° Le développement endogène

L’annonce en grande pompe de la création d’un marché unique entre Guadeloupe et Martinique (cf. I,2°a.) n’est ni plus ni moins qu’une escroquerie intellectuelle puisque comme le dénonce Alain Plaisir, c’est déjà le cas depuis la loi 94-138 du 25 juillet 1994 ! Octroi de mer et TVA ont été abolis depuis longtemps entre les îles sœurs.


Alain Plaisir, au centre (photo Julien Tack)


Quant aux mesures pour encourager la diversification de l’agriculture guadeloupéenne (cf. I,2°b. et I,2°c.), cela semble être à priori une excellente chose. Si ce n’est que, comme l’a expliqué Elie Domota, c’est en complète contradiction avec les mesures précédemment annoncées sur l’accroissement du parc de la grande distribution. En effet, à quoi bon développer une agriculture locale diversifiée si c’est pour faire venir encore plus d’enseignes qui permettront d’importer toujours plus de produits venant de l’Union Européenne ou d’ailleurs et qui torpilleront le marché local. C’est déjà cette situation qui conduit la Guadeloupe à importer 90% de son alimentation. Avec le renforcement de la concurrence dans la distribution, on ne change rien à ce mécanisme. Au contraire, on l’aggrave. Les remèdes libéraux de monsieur Sarkozy risquent bien d’achever le malade plutôt que de le soigner… Il en sera de même tant qu’on laissera le marché en faire à sa guise et qu’on ne remettra pas fondamentalement en cause ce système libéral…


Et puis ce que Sarkozy oublie, c’est que les deux grandes quasi-monocultures de la Guadeloupe sont la canne-à-sucre et la banane. Les terres consacrées à la culture de ce dernier fruit ont été contaminées pour des siècles par un pesticide hautement toxique appelé chlordécone. Interdit aux Etats-Unis puis en France une fois ses ravages reconnus, c’est aux Antilles françaises que les stocks ont été écoulés, grâce à des dérogations signées par les ministres de l’agriculture successifs (à commencer par Chirac) et importés par la famille Hayot, comme il se doit (voir à ce sujet l’excellent documentaire, je le cite souvent mais c’est que c’est une référence : "les derniers maîtres de la Martinique"). Il semblerait que le fruit de du bananier ne soit pas contaminé par le chlordécone mais cela condamne du coup à continuer à ne faire que de la banane sur ces immenses étendues ou bien à y faire pousser des zones pavillonnaires pour la plus grande joie des requins de l’immobilier… Malheureusement, là encore, sur la question du chlordécone, pourtant largement mise en avant dans les revendications du LKP, pas un mot de la part du chef de l’Etat… Rappelons au passage que même si certains voudraient se cacher derrière de prétendues prédispositions génétiques, Guadeloupe et Martinique ont le record mondial du taux de cancers de la prostate. Surprenante coïncidence, non ? Nous tous qui vivons en Guadeloupe ou en Martinique avons un taux de chlordécone plus ou moins élevé dans le sang ; le silence de Sarkozy sur ce point me parait insultant et donne du grain à moudre à ceux qui parlent de rapports coloniaux entre les Antilles françaises et leur métropole…


3° Les aides patronales

Sarkozy a annoncé un « business act » pour les PME que lui-même qualifie de « small » (cf.I, 3°a.). Ce ne sont pas ces quelques mesures qui vont répondre aux préoccupations immédiates des petits patrons : s’ils ne sont pas à jour pour le 31 décembre de leurs cotisations sociales, et très peu le sont, ils ne pourront pas prétendre à la défiscalisation pour 2010, ce qui pour eux serait une catastrophe absolue. Pas un mot non plus sur l’extension de l’accord Bino qui va amener les signataires de la première version dans une situation intenable dans trois ans. Ceux qui ont fait preuve de responsabilité sociale en signant seront tenus de payer les 200 euros en intégralité dès 2012 alors que ceux qui n’avaient pas signé, concernés par la seule extension décrétée par le gouvernement, n’auront aucune obligation. Placé dans une situation de concurrence déloyale, les signataires ne pourront pas tenir, d’autant que comme ils le dénoncent au côté du LKP, l’Etat ne fait rien pour changer l’environnement social qui fait qu’ils ont déjà un mal de chien à payer leurs cotisations sociales. Eric Taupe, représentant de l’UMPEG (Union des Moyennes et Petites Entreprises de Guadeloupe) me donnait récemment l’exemple du coût des matières premières qui est exorbitant ici et qu’il le restera tant qu’on ne remettra pas en cause, entre autres choses, le monopole pavillonnaire, à savoir le fait qu’en réalité, il n’y a qu’un seul et unique importateur sur la Guadeloupe : CGM-CMA, qui peut se permettre de fixer les prix que ça lui chante. Ces petits patrons qui ont émergé sur la scène guadeloupéenne à l’occasion des 44 jours, comme sujets et acteurs de la société, en toute indépendance du MEDEF, demandent donc avant tout des réformes structurelles et comme l’immense majorité des Guadeloupéens devront rester sur leur faim car on ne leur propose que des aides ponctuelles…


L’hôtellerie qui est déjà exonérée de presque tout en Guadeloupe, y-compris des charges sociales dont je parlais précédemment bénéficie elle, un peu plus, de la générosité du prince avec notamment des plans d’abandon partiels de créance (cf. I,3°b.). Quant à l’idée d’établir des liaisons Paris – Pointe-à-Pitre depuis Roissy plutôt qu’Orly, alors là on ne peut que s’en féliciter et pas seulement parce que l’architecture de type stalinien d’Orly ne fait pas rêver… Cela va rendre plus accessible la destination Guadeloupe pour les étrangers qui n’auront plus à changer d’aéroport en arrivant sur Roissy. Enfin une mesure concrète et pleine de bon sens !


4° la reconnaissance syndicale (cf.I, 4°)

Voilà une mesure qui devrait réjouir en tout premier lieu l’UGTG et qui paraît pleine de bon sens. Comment en effet ne pas accorder de reconnaissance en Guadeloupe à un syndicat qui aux élections prudhommales rafle, que ça plaise ou non, plus de 50% des voix, et ce sur la base d’un accord signé à Paris en 1946 qui ne reconnaissait jusqu’alors que cinq centrales ?! L’UGTG et la CTU pourront désormais siéger aux commissions paritaires (que ce soit de la sécurité sociale, Pôle Emploi, etc) et se présenter dans la fonction publique ! Leur influence devrait donc s’étendre considérablement, au dépens des centrales déjà représentées. Sauf qu’Elie Domota explique que cette mesure avait déjà été adoptée dans la loi du 20 août 2008 et qu’il n’y a donc là rien de nouveau sous le soleil.


5° Le pouvoir délégué aux collectivités régionales de représenter la France auprès de ses voisins (cf.I, 5°)

Là encore, l’initiative est séduisante mais comme le souligne Alain Plaisir de la CTU, aujourd’hui, c’est l’Europe et non la France qui négocie les accords internationaux importants, comme ça a été le cas pour l’APE, Accord de Libre Partenariat Economique Europe-Caraïbe et ça va être de plus en plus vrai. « Je vois mal par exemple, explique Alain Plaisir, la Guadeloupe signer un accord de pêche avec la Dominique ! Tout au plus, cette disposition s’appliquera dans les domaines sportifs ou culturels. »


6° La lutte contre les discriminations à l’embauche

Marie-Luce Penchard vient de passer de secrétaire d’Etat à Ministre en un temps record (cf.I,6°a.). Ce miracle, on ne peut pas dire que ce soit à son mérite qu’elle le doit : elle n’a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Non, c’est au LKP qu’elle le doit. Demandons-nous par contre si, dans la plus pure tradition sarkozienne, il ne s’agit pas là un simple effet d’annonce, un effet d’affichage. Ce que demande le LKP c’est que les Guadeloupéens puissent peser dans les décisions qui concernent leur avenir, ce qui paraît légitime. Je ne suis pas persuadé en l’occurrence que M-L Penchard décide de quoi que ce soit. Sa marge de manœuvre me semble au contraire extrêmement étroite. Par contre, sa promotion est révélatrice d’un pouvoir qui se borne à n’avoir qu’une lecture raciale, ethnique du malaise qui secoue la Guadeloupe. « On va leur mettre une noire, ça va les calmer » comme si c’était de cela qu’il s’agissait ! C’est fascinant de constater comme les détracteurs du mouvement au nom d’un racisme supposé, sont précisément ceux qui fonctionnent en permanence sur des critères raciaux. C’est une constante.


Le racisme, ce n’est pas au sein du LKP qu’il faut le chercher. La logique raciale, ce n’est pas le LKP non plus qui en est le porteur : c’est le système actuel. Le LKP plaide lui pour qu’y-compris dans les sphères décisionnelles la diversité ethnique qui est une richesse de la Guadeloupe, soit représentée, ce qui n’est pas le cas à présent. Dans son discours, Nicolas Sarkozy ne le nie d’ailleurs pas : « quiconque a déjà assisté à une réunion en Préfecture Outre-mer ne peut qu’être frappé par la réalité qui s’offre à son regard. Pour tout dire, on n’est pas très loin de la caricature. » Ce qu’il veut dire par là c’est que tout le personnel décisionnel d’institutions comme la préfecture est blanc. Le contraste a sauté aux yeux des Guadeloupéens lors des rencontres entre les staffs de ces administrations et les délégations LKP, essentiellement composées de gens de couleur.


Contraste (photo Julien Tack)


Les mesures concernant les catégories B et C de la fonction publique (cf. I, 6°b.) vont dans le bon sens. Le recrutement local prévaut déjà pour la fonction publique territoriale, mais les mesures semblent encore trop timide notamment concernant la catégorie A+, même pas évoquée spécifiquement, celle des postes de direction précisément. C’est justement là où le bât blesse.


7° L’éducation

Un effort va être fait concernant l’éducation supérieure avec un cursus complet de médecine (cf I,7°c.). C’est une mesure positive, il faudra voir ce qu’il en est au niveau de l’application car Sarkozy promet « les moyens les plus modernes de communication, et (…) la présence des meilleurs spécialistes. Les médecins des Antilles et de la Réunion seront parmi les mieux formés du pays. » Voilà des promesses bien ambitieuses mais comme toutes les mesures qu’il égrène pendant l’heure qu’a duré son intervention, aucune n’est chiffrée pour commencer, et surtout, à aucun moment il n’explique comment il compte les financer. Les promesses de Sarkozy elles, ne coûtent pas cher, il aurait tort de s’en priver… On pourrait même dire qu’elles subissent une forte dévaluation actuellement même si un Bernard Kouchner interrogé par Nicolas Demorand sur la mythomanie supposée du président et sa présence à la chute du mur de Berlin dès le 9 novembre 1989, répondait avec aplomb « je crois systématiquement ce que dit le président de la république. »



C’est beau la fidélité, mais je m’égare là. Revenons à nos cabris.


Concernant l’éducation secondaire, elle semble n’avoir jamais si bien porté son nom puisqu’elle ne fait l’objet d’aucune mesure particulière alors que le taux de l’échec scolaire dans les DOM-TOM est vertigineux. Ah si, fidèle à lui-même, Sarkozy propose de mieux fliquer les élèves, pour lutter contre l’absentéisme (cf .I,7°b.). Comme d’habitude, il s’attaque aux conséquences, pas aux racines du problème. Pour l’anecdote, j’ai entendu plusieurs fois en faisant l’appel au début de mes cours, des élèves me répondre : « il marrone m’sieur ! » signifiant par là que l’élève absent en question était en train de sécher. Marronner fait allusion aux esclaves-marrons, c'est-à-dire ceux qui s’enfuyaient des plantations. Le rapport à l’absentéisme mériterait d’être analysé plus en profondeur. René Beauchamp, délégué LKP et membre du syndicat nationaliste SPEG estime pour sa part qu’il faut développer un modèle éducatif qui tienne compte des réalités des Antilles si on veut que les élèves s’y reconnaissent et s’y épanouissent. Ils seront peut-être moins tentés de "marroner".


Enfin, pour les adultes, personne ne pourra s’élever contre la grande campagne de lutte contre l’illettrisme qu’il entend mettre en place (cf. I,7°,a.) mais une fois de plus se pose la question des moyens humains et matériels : avec quels fonctionnaires, si, encore une fois, on s’obstine à en éliminer un sur deux, et dans quelles structures, avec quels fonds ? Quelle formation recevront les formateurs ? Quels type d’évaluation permettra de détecter parmi la population les cas d’illettrisme ? Y aura-t-il un caractère obligatoire ou des mesures incitatives pour ceux qui suivront ces formations ? On est dans le flou absolu…


8° Le logement social

Le plan de résorption du logement insalubre annoncé par Sarkozy (cf.I,8°a.)est déjà en cours et ne peut donc pas être considéré comme une réponse aux demandes formulées par les Guadeloupéens en début d’année, ni même au cours des états-généraux, même si en soi, c’est bien sûr une mesure indispensable. Alain Plaisir estime que c’est un véritable plan Marshall qu’il faudrait pour en finir avec les conditions déplorables dans lesquelles vivent quelques 18 000 personnes en Guadeloupe. La mesure visant à donner gratuitement des terrains appartenant à l’Etat pour en faire des logements sociaux (cf I,8°b.) va dans le bon sens car les communes manquent singulièrement de foncier en Guadeloupe mais le « chaque fois que ce sera possible » avec lequel Sarkozy conditionne ces dons de terre me fait dire qu’il ne se mouille pas beaucoup…


9° L’autonomie

La révolution annoncée est plus sémantique qu’autre chose et anticipe sur les résultats des référendums qui vont avoir lieu en Guyane et en Martinique : Sarkozy ne parle plus ou peu de collectivités territoriales mais d’Etat local ! Dans les faits, la seule autonomie qu’il accorde consiste à accroître le pouvoir du préfet, premier représentant de l’Etat, en le laissant gérer un budget propre (cf 1,9°) ! Pour le reste il nomme des haut-commissaires, des préfets à la cohésion sociale, etc. Le LKP voit dans toutes ces nominations une volonté de renforcer la main-mise coloniale. Notons au passage que le préfet de Guadeloupe, Nicolas Desforges, nous quitte pour l’Oise après un an à peine et sera remplacé par le préfet de la Creuse, au sinistre patronyme, l’énarque Jean-Luc Fabre.


Jean-Luc Fabre


Il était aussi directeur général du comité d’organisation du championnat du monde de ski alpin à Val d’Isère, on comprend donc pourquoi il a été pressenti pour la Guadeloupe (retrouvez son CV sur http://www.maximini.com/fr/guadeloupe/actualite/info-antilles/info_antilles.asp?num=18806)


10° L’écologie

Au risque de choquer les indépendantistes, je me réjouis du fait que l’Etat prévoie de se substituer aux collectivités territoriales lorsque celles-ci sont défaillantes, en matière d’environnement et tout particulièrement pour la gestion des déchets (I,10°a.). On évitera peut-être des catastrophes écologiques comme à Sainte-Rose (relire http://chien-creole.blogspot.com/2009/08/sainte-rose-2eme-partie.html), laissez-moi rêver, ou des situations gravissimes comme les centaines de tonnes de déchets hospitaliers à risque infectieux à ciel ouvert de la société Igetherm de l’homme d’affaire Michel Christon, ami personnel de Jacques Gillot, président du conseil général. L’excellent journal satyrique Le Mika déchaîné nous a révélé ce scandale absolu et vous pouvez, concernant cette même décharge, retrouver un intéressant reportage photographique du blogueur Franck de la Salette qui fustige les pollueurs de tous poils (http://guadeloupe-decharge-geante.over-blog.com/article-33811727.html) et qui commence par ces mots : « c’est au milieu des sacs éventrés, dans une épouvantable odeur de pourri, de sang séché et de chair humaine que j’ai réalisé ces quelques photos (…) » Ça donne le ton de la gravité de la situation des déchets en Guadeloupe…


Enfin, le développement énergétique endogène avec la géothermie (cf.I,10°c.) qui pourrait en Guadeloupe pourvoir aux besoins de l’archipel en électricité permet de conclure sur un point réellement positif. On les compte sur les doigts de la main, ça mérite donc d’être souligné.



Outre les faiblesses intrinsèques des annonces, non budgétisées, souvent dérisoires, réchauffées ou contradictoires, le LKP dénonce surtout le fait que l’Etat ne montre toujours pas la moindre intention de tenir les promesses faites aux Guadeloupéens et qui avaient motivé la suspension de la grève générale. Rien sur la formation des jeunes, l’accord Bino, le prix des carburants, les minimas sociaux, les contrats précaires et en définitive, rien qui permette d’une façon ou d’une autre d’en finir avec la profitation.


Elie Domota et Jean-Marie Nomertin, au cours de la conférence de presse du 13 novembre (photo FG)


Demain matin, samedi 14, le LKP va interpeler ML Penchard sur ces points. « Pas pour qu’elle nous réexplique le discours de Sarkozy, on a été à l’école, on l’a parfaitement compris, mais pour qu’elle réponde très concrètement sur tous ces points sur lesquels nous attendons des réponses » déclarait ce matin Elie Domota en conférence de presse, au palais de la Mutualité.


FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)


2 commentaires:

Anonymous le visiteur a dit...

t'as pas l'impression que tes yeux, ils tiennent ouverts avec des bâtons d'allumettes ?

14 novembre 2009 à 04:35  
Anonymous Anonyme a dit...

RFO a enlever le journal du 14 novembre!!! J'y crois pas! C'est vraiment n'importe quoi ces médias!
Toi, je salue ton travail, je partage souvent tes opinions, et j'apprécie que tu saches rester neutre!
Kontinyé, sé vou ka ban nou nouvel a péyi la!

17 novembre 2009 à 07:01  

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