mardi 3 novembre 2009

Analyse sociologique

HISTOIRES DE VIOLENCES (1ère partie)


Que n’a-t’on pas entendu (et ne continue t’on pas d’entendre) à propos de la violence dont aurait fait preuve le LKP pendant les 44 jours. Je voudrais revenir sur ce sujet sensible avec le recul des mois passés et à la lumière des faits très graves qui se sont déroulés ces derniers jours dans l’hexagone.


1° Le fond et la forme

Je commencerai par rappeler que dans leur immense majorité, les détracteurs du LKP ont été contraints de reconnaître la réalité des abus de la profitation en Guadeloupe. En général, leurs critiques au mouvement sont plutôt de deux ordres. Selon eux :

- Le LKP est un mouvement populiste qui utilise l’émoi légitime de la population face à certaines situations réelles pour déstabiliser l’archipel et avancer masqué vers l’indépendance (c’est une façon habile d’éluder le débat social, et de le détourner, sitôt évoqué, sur une thématique dont ils savent qu’elle fait peur à au moins 80% de la population).

- L’autre argument que tout un chacun a entendu ici un nombre incalculable de fois est : « ils ont raison sur le fond, mais je ne peux pas cautionner la forme », faisant référence aux fermetures musclées d’entreprises. Il aurait été intéressant que ceux-là donnent l’ombre de l’ébauche de l’esquisse du soupçon d’une piste à suivre qui ait la moindre chance de faire plier ce gouvernement d’ultra-droite et le grand patronat de Guadeloupe particulièrement archaïque et réactionnaire, dans l’intérêt du citoyen. Ça viendra peut-être un jour, on ne peut que le souhaiter.


2° De l’importance du rapport de force social

En attendant, c’est en frappant cette hydre à deux têtes au seul endroit où ça lui fait mal, à savoir l’économie, que des avancées significatives ont été obtenues. C’est le rapport de force légitimé par un soutien populaire sans précédent qui a finalement obligé Etat et patronat à négocier dans un premier temps, à trouver des solutions dans un second temps et à s’engager à les appliquer dans un troisième temps. Mais dès que le LKP a levé la mobilisation, dès que la pression sociale ne s’est plus faite sentir, le statu quo a repris ses droits et les belles promesses sont restées lettres mortes. Pourtant, c’est ce même gouvernement qui avait fustigé les méthodes du LKP et appelé au dialogue social. D’ailleurs, Nicolas Sarkozy si prompt à mépriser les actions syndicales (« quand il y a une grève en France, plus personne ne s’en aperçoit ») le prône régulièrement comme méthode de travail. L’expérience a montré que sa conception en la matière est pour le moins limitée. Elle consiste à rééxpliquer autant de fois que nécessaire au peuple sans doute trop idiot pour comprendre du premier coup, l’utilité de ses réformes. Si les Français s’opposent à tel ou tel point, ce n’est pas parce qu’ils ont compris qu’il était contraire à leur intérêt, non, c’est parce qu’on le leur a mal expliqué, d’où l’intérêt du dialogue social pour leur faire entendre raison. En fait ce gouvernement ne négocie que s’il y est contraint, autrement il impose.


3° LKP et non-violence

Si le LKP a été exemplaire pendant ces 44 jours, c’est bien dans la non-violence en dépit d’une situation sociale plus qu’explosive (la Guadeloupe est la région européenne (sic) qui compte le plus fort taux de chômage chez les 15-24 ans, par exemple). Certes il y a eu quelques bousculades et mots malheureux quand certaines entreprises ont été fermées manu militari mais quel mouvement social peut s’enorgueillir d’avoir organisé autant de manifestations rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les centre-villes sans que le moindre débordement, la moindre dégradation ne soit constatés ?! On dira ce qu’on voudra du service d’ordre patibulaire dirigé par le non moins souriant Michel Madassamy, n’empêche qu’il a parfaitement joué son rôle.


Michel Madassamy, en charge du service d'ordre du LKP (photo FG)


Ceci dit, la Guadeloupe a certes connu une véritable violence : elle a été initiée par les gendarmes mobiles au barrage de Poucette contre des manifestants désarmés et pacifiques et cela après un mois de mobilisation historique où gouvernement et patronat n’ont eu de cesse de jouer le pourrissement de la situation avec le résultat qu’on sait… la violence qui a répondu à la violence policière n’a pas été le fait du LKP mais de cette jeunesse marginalisée, si durement touchée par le chômage et pour qui le LKP a essayé d’entrouvrir des perspectives sociales… le LKP avait d’ailleurs réussi à la calmer au début du mouvement, alors que les jeunes des quartiers populaires commençaient à brûler poubelles et carcasses de voiture, voire à s’affronter avec la police. Il les avait convaincus de l’utilité de la lutte pacifiste, mais après un mois sans rien obtenir que des coups et des injures racistes, il était prévisible que les jeunes seraient moins réceptifs aux discours de raison de leurs aînés. C’est même à se demander si Sarkozy n’a pas tenté de nous rejouer le coup du pompier pyromane comme il avait fait en multipliant les provocations en banlieue avant les élections présidentielles (souvenez-vous du karsher) pour mieux après se poser en pacificateur musclé. Ça lui avait plutôt bien réussi, dans la foulée il est passé de ministre de l’intérieur à président de la république.


4° Le rôle de la police dans l’escalade de la violence

La façon dont les forces dites de l’ordre ont géré les émeutes de février 2009 en Guadeloupe est plus que discutable. Il y a déjà eu la répression au barrage de Poucette comme je l’ai déjà mentionné. Elle est partie d’une vile provocation policière conduite en personne par un homme qui s’est avéré être un des plus hauts responsables policiers de l’archipel (à ce sujet lire cet article publié en mars sur Chien Créole : http://chien-creole.blogspot.com/2009/03/lhomme-de-lombre.html).

Le directeur général adjoint de la police de Guadeloupe a été formellement identifié par Alex Lollia et d'autres militants présents ce jour-là comme étant à l'origine de la provocation qui allait entraîner la répression du barrage de Poucette (photo FG)


Elle a conduit aux insultes racistes et au passage à tabac de manifestants qui loin d’opposer de la résistance, cherchaient à fuir par la mangrove. En réaction à ça, on a assisté à des scènes d’émeutes et de pillage le soir même. L’usage de gomme-cognes (munitions en caoutchouc non-léthales mais qui pénètrent dans la peau et font de sérieux dégâts) pour réprimer sans sommation les jeunes qui pillaient certains magasins de Pointe-à-Pitre a provoqué un terrible malentendu. Au lendemain du meurtre de Jacques Bino, j’avais publié le témoignage d’un jeune de ces quartiers difficiles qui revenait un petit peu sur la chronologie des événements. Il expliquait que le premier soir, les émeutiers n’étaient pas armés mais que la BAC leur ayant tiré dessus "à balle réelle" « comme des lapins », ils s’étaient alors armés pour le second soir (lire http://chien-creole.blogspot.com/2009/02/un-jeune-temoigne-alors-que-beaucoup.html) En réalité, le premier soir, aucun jeune n’avait été touché par balle réelle, mais le simple fait d’y croire avait plongé la Guadeloupe dans une escalade de la violence.


Voici un exemple de marque laissée par une gomme-cogne. Le jeune qui l'a reçue a du subir une opération pour extraire la balle (photo FG)


Sans compter que cette répression n’avait pas été exempte de bavure comme en témoigne la chanson du populaire rappeur Edson X, lui-même atteint à la cuisse, dont Chien Créole avait publié les paroles en français (lire http://chien-creole.blogspot.com/2009/03/fait-divers-2009.html)


5° Manque de courtoisie et mondialisation

Pour en revenir au LKP, les incivilités constatées lors de la fermeture de certaines entreprises sont certes condamnables (certains syndicalistes de la base seraient bien inspirés de suivre un séminaire sur la courtoisie et le savoir-vivre pendant les conflits sociaux) mais il faut les relativiser en prenant en considération la violence terrible qui est faite aux travailleurs depuis des années. Ça ne concerne pas seulement la Guadeloupe, ni même la seule France : c’est une agression à l’échelle planétaire qu’on appelle mondialisation mais qu’on devrait plutôt appeler offensive néolibérale généralisée et qui revêt les oripeaux de la modernité pour mieux nous ramener aux conditions de vie et de travail du XIXème siècle. Elle se traduit en France (départements français d’Amérique compris) par une politique aux effets dévastateurs en premier lieu pour les couches populaires, mais qui n’épargne pas les classes moyennes non plus.


A suivre…


FRédéric Gircour


1 commentaires:

Anonymous le visiteur a dit...

bon alors, comme d'hab
je crache pas dans la soupe
la socio, c'est pas ma tasse de thé
je pars du principe qu'on est cerné par le capitalisme
néanmoins, s'agit pas de faire un concours
et encore moins un concours de négreries
c'est à ça qu'il voudrait réduire la question sociale à un concours de négreries
ça a toujours été comme ça
manque de bol, c'est pas un concours
dis leur...
même la votaion à la poste, pour eux, c'est des négreries
mais l'impact est là
quand ils auront fini de privatiser, on va payer, comme d'hab
on va perdre
beaucoup
autrement dit, ce qu'il faut se dire, je crois
c'est qu'on a rien à y gagner.
te reste à prier Saint Strauss-Khan pour pas être pulvérisé.

4 novembre 2009 à 02:23  

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