vendredi 2 octobre 2009

Conférence de presse du LKP


CONCERTATION PLUTÔT QU’ULTIMATUM


Ce matin, le LKP a donné une conférence de presse au Palais de la Mutualité, à jour J-1 avant la grande mobilisation du 3 octobre, que d’aucuns appellent déjà le "45ème jour".


1° Les motifs de la grève

Après une brève introduction de Jean-Marie Nomertin, devant les journalistes présents, Elie Domota, en sa qualité de porte-parole du LKP, a commencé par énumérer les principales raisons de l'appel à la mobilisation du lendemain. En substance, le LKP dénonce :


Les délégués du LKP répondaient à la presse ce matin, au Palais de la Mutualité (photo FG)

- L’une des toutes premières mesures de Marie-Luce Penchard, nouvelle secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, à savoir l’augmentation du prix de l’essence alors même que les mesures promises le 4 mars, telle que l’élaboration d’une nouvelle structure de formation des prix qui inclurait notamment le LKP et les socioprofessionnels, se font toujours attendre. Au contraire, ML Penchard est passée, pour imposer l’augmentation, par l’Observatoire des prix dont chacun sait qu’il ne fait qu’entériner les décisions prises depuis Paris sans contradiction possible.


- L’absence de réaction de l’Etat face aux situations de monopole dans l’archipel, où notamment une famille hors-la-loi détient plus de 40% des grandes surfaces et fonctionne avec toutes sortes de pratiques illégales.


- Le non-respect de la parole du préfet qui s’était engagé à recruter des inspecteurs de la répression des fraudes, à mettre en place un numéro vert pour recueillir les plaintes concernant les entorses à l’application des accords sur la baisse des prix de première nécessité. Rien de tout cela n’a été fait.


- En mai 2009, toujours selon les accords de mars, 8000 jeunes en difficulté devaient être convoqués et se voir proposer une formation qualifiante et diplômante au sein d’un nouveau dispositif. Les seules instructions qui ont été données, c’est d’embaucher une moyenne de 110 contrats aidés par mois… De la précarité, c’est tout ce qu’ils proposent. Domota affirme détenir une copie du courrier adressé à cet effet par la ministre de l’économie, Christine Lagarde, au Pôle emploi de Guadeloupe.


- Le torpillage de l’accord Bino, avec la suppression de la clause de convertibilité, c’est-à-dire de l’obligation pour les patrons de continuer à payer l’intégralité des 200 euros au terme de l’apport des collectivités locales et de l’Etat, dans trois ans. Cela va entraîner deux types de discriminations : la première à l’encontre des salariés concernés, l’autre contre les patrons qui ont signé la première version de l’accord Bino et qui dans trois ans vont se retrouver fortement pénalisés puisque la concurrence, elle, si elle n’avait pas signé cette première mouture, pourra légalement se permettre de payer ses employés 200 euros de moins qu’eux pour le même travail…


- Toujours sur l’accord Bino, le gouvernement a transformé le principe de l’augmentation de salaire en celui d’allocation, avec le RSTA et ne respecte pas les termes de l’accord qui prévoyait de calculer les ayant-droits en tenant compte du salaire horaire de base. C’est une escroquerie : les patrons jouent le jeu et versent leur part, l’Etat non !


- La plupart des points non traités au moment de la suspension de la grève générale n’ont toujours pas fait l’objet de négociations.



2° Une manifestation populaire et une campagne de concertation

Pour toutes ces raisons, le LKP appelle tout le monde à se rassembler demain samedi à 9h00, les petits, les moyens, les grands, pour « une grande manifestation populaire basée sur la dignité et le respect de la parole donnée ». Partant du constat qu’aujourd’hui, le seul qui ne respecte pas ses engagements, c’est l’Etat, le LKP entend lui envoyer un message fort. Mais la mobilisation ne s’arrêtera pas à la seule journée de demain. Le LKP demande à chacun d’assumer ses responsabilités et à cette fin, il a écrit à tous les maires de Guadeloupe en proposant de les rencontrer. Pour le moment, treize ont répondu favorablement par courrier et six ont déjà été rencontrés. La semaine prochaine, une demande va être formulée au président du conseil régional et à celui du conseil général, puis aux organisations patronales signataires de l’accord Bino. » Si en dépit de tous les avertissements, courriers, meetings, manifestations, l’Etat reste sourd, le LKP appellera à redescendre dans la rue pour un mouvement plus dur. Une journaliste demande combien de temps le LKP donne à l’Etat pour réagir. Domota rétorque qu’ils ne sont pas dans une logique d’ultimatum, mais dans un esprit de construction et de concertation et se refuse donc à poser une date. Pour l’instant, les maires rencontrés donnent raison au LKP, quant à Marie-Luce Penchard, le LKP qui lui avait écrit le 29 septembre a reçu une réponse d’elle le 1er octobre ! Elle a demandé à son préfet d’organiser une réunion de suivi avec le LKP.


3° Liyannaj

Enfin, Elie Domota, avant, comme les autres membres du LKP, d’aller se prêter au jeu des interviews, rappelle qu’à la même heure demain, le mouvement du 5 février en Martinique et le Front pour l’avenir de la Guyane appellent à manifester sur les mêmes thématiques.


Elie Domota donnant une interview après la conférence de presse (photo FG)


4° Conscientisation incontournable

Etonnante donc cette volte-face qui contraste avec la tonalité des meetings, la teneur des propos des uns et des autres ces derniers jours et le fait que les syndicats avaient posé un préavis pour une grève reconductible. Néanmoins, Chien Créole évoquait pas plus tard qu’hier les divergences qui existent au sein de la population quant à la poursuite du mouvement. Personne n’est satisfait de la situation actuelle et de la façon dont les choses ont tourné à partir du moment où la grève générale a été suspendue. Mais, si certains y voient un motif pour se remobiliser fortement, d’autres considèrent que le premier mouvement est bel et bien fini, que ça a été un échec et ne sont donc pas prêt à repartir vers ce qu’il pense être un nouvel échec. C’est cette perception erronée que le LKP va devoir corriger s’il veut redonner l’espoir et demeurer l’incarnation du grand mouvement populaire qu’on a connu en début d’année. Il n’est sans doute pas idiot de se donner le temps de faire ce travail de conscientisation au niveau de la population avant de repartir, si dans le même temps, Etat et patronat s’obstine nt à faire la sourde oreille. Peut-être la célérité avec laquelle Marie-Luce Penchard a répondu au courrier du LKP a-t’elle aussi quelque chose à voir dans cette volonté soudaine d’apaisement.


5° Tous contre l’Etat ?

En terme de stratégie, le discours du LKP portait aujourd’hui toutes ses attaques contre l’Etat qui a effectivement une très lourde responsabilité dans la dégradation de la situation. Cependant, dans son discours, Domota a oublié de s’attaquer au patronat, au contraire, il s’en est rapproché en rappelant l’iniquité qui frapperait nombre de patrons signataires du premier accord Bino au terme des trois ans. La stratégie de concertation avec les élus et les organisations patronales relève-t’elle d’une démarche nationaliste ou bien est-elle purement pragmatique ? Comme me le rappelait Alain Plaisir de la CTU en aparté, « les grandes surfaces peuvent décider d’augmenter leurs prix de 200% du jour au lendemain, dans un système capitaliste libéral comme le nôtre, aussi injuste que cela soit, c’est parfaitement légal et donc plus difficile à combattre. En revanche, l’Etat s’est engagé formellement en signant un certain nombre d’accords qu’il ne respecte pas. » Il est donc sans doute stratégiquement plus facile, dans un premier temps, de concentrer ses forces contre lui en cherchant à créer un front le plus large possible. Enfin, pour contredire la lecture purement nationaliste du nouvel axe énoncé par Elie Domota, on peut souligner l’importance symbolique d’une action coordonnée entre les forces progressives de Martinique, de Guyane et de Guadeloupe, qui donne une dimension nouvelle des plus intéressante à ce mouvement, qui est définitivement très loin d’être fini. Les Guadeloupéens répondront-ils favorablement à cette nouvelle orientation ? L’affluence à la manifestation de demain matin nous le dira.


FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com) (n'hésitez pas à réagir en laissant un commentaire ci-dessous)


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