Opinions

LKP, RENOUVEAU OU CREPUSCULE ?

Alors que le LKP appelle à une journée d’action reconductible le samedi 3 octobre, et que grève générale et blocages pourraient bien revenir au premier plan de l’actualité en Guadeloupe, les commentaires vont bon train. J’ai essayé de synthétiser pour le lecteur de Chien Créole les deux principaux sons de cloche qu’on peut entendre. Quoique non astreint aux règles du CSA, j’ai essayé de respecter grosso-modo la parité entre ces deux opinions diamétralement opposées et partant pourtant du même constat : l’absence de résultats, voire la dégradation sensible de la situation, à partir du moment où la grève générale a été suspendue.

On arrête pas le progrès ! Voilà que des petits malins viennent de sortir le rhum LKAP (Liyannaj Komès Alimentè Pwoksimité - Union du Commerce Alimentaire de Proximité). Quant au LKP, on se demande si la cuvée d'octobre sera ou non un bon cru (photo FG)

Ce qu'on peut entendre du côté de ceux qui s'opposent à la reprise du mouvement :

- « Le LKP, c’est bon, merci, on a déjà donné ! 44 jours de sacrifices pour quoi ? Les prix ont flambé, l’essence a commencé à augmenter de nouveau, plein de monde qui pensait avoir droit à l’accord Bino ne sera finalement pas augmenté ou se retrouvera dans la même situation dans trois ans… Franchement quand on fait le bilan entre ce qu’on a gagné et ce qu’on a perdu pendant le mouvement des 44 jours, pas besoin de sortir de polytechnique pour se rendre compte qu’on s’est bien fait avoir… Alors dans ces conditions, on voudrait nous pousser à recommencer un nouveau mouvement, tout rebloquer encore une fois ? Ah non, ça va bien ! Maintenant on sait où ça va nous mener. C’est toujours les mêmes qui se font avoir, moi j’y ai cru l’an dernier et qu’est-ce que ça a changé à ma vie ? Rien du tout ! Il n’y a qu’à voir tous les licenciements qu’il y a eu. Si par malheur ça recommence, cette fois l’économie ne s’en relèvera pas. Sans compter que j’ai mangé assez d’ignames et de bananes plantains comme ça pendant les 44 jours, il faut laisser les gens tranquilles maintenant. Nous, ce qu’on veut c’est travailler, ne pas perdre notre emploi. Tout bloquer, réflexion faite, c’est se tirer une balle dans le pied. Les blocages, les coupures d’eau et d’électricité, c’est à nous que ça fait le plus de mal, à nos familles, à notre économie. Il faut être raisonnable maintenant, on ne peut pas vouloir tout régler par des grèves incessantes qui en plus risquent de dégénérer dans la violence… »

Ce qu'on peut entendre du côté des partisans de la reprise du mouvement :

- « C’est par la mobilisation de l’immense majorité de la population qui a porté les 146 points de revendications pour une Guadeloupe plus juste, plus digne et plus vivable, qu’on a obtenu qu’Etat et patronat nous prennent enfin en compte. Il aura fallu la grève générale la plus longue de l’histoire de France, pour qu’on parvienne à les faire s’asseoir afin de négocier. A croire qu’ils ne comprenaient que le rapport de force social… Et puis on a cru qu’ils avaient changé et on a suspendu la grève générale (suspendu pas arrêté) pour résoudre les problèmes de la Guadeloupe par la voie de la raison et des négociations. Mais décidemment, il n’y a que le rapport de force qu’ils comprennent : ils ont cru que nous n’aurions ni la force, ni le courage de continuer, qu’après 44 jours de luttes et de sacrifices, on rentrerait gentiment dans le rang comme des moutons : l’Etat s’est assis sur ses promesses et tous les points en suspens qui d’après Jego étaient déjà réglés sont restés lettre morte ; le grand patronat a multiplié les provocations en faisant exploser les prix dans la grande distribution comme jamais, montrant un mépris inouï pour le désespoir exprimé pendant 44 jours contre les abus. Pendant ce temps-là, ils ont essayé d’utiliser les états généraux comme un rideau de fumée et profitant du contexte de crise économique mondiale, ils font porter le chapeau de tous les maux de la Guadeloupe au LKP ! Marie-Luce Penchard vient même de s’en prendre au point le plus symbolique des victoires du LKP, le prix de l’essence, après tellement d’années où le Guadeloupéen a été volé par la SARA avec la complicité de l’Etat. Que de mépris et de dédain, que d’injustice. Mais ils n’ont pas compris que la Guadeloupe avait changé, que les gens ont appris à relever la tête et ont pris conscience de leur force collective. Puisque le travail n’est pas fini, on va le terminer, mais si vous voulez savoir combien de temps le mouvement va durer, ne perdez pas votre temps à interroger Elie Domota, posez directement la question au préfet et à Willy Angèle : combien de temps encore pour qu’ils se décident à honorer leur parole, à tenir les promesses qu’ils ont faites devant les Guadeloupéens ? C’est la seule question qui vaille aujourd’hui. »

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

PS1 : Et vous, dans toute cette réflexion, de quel côté vous situez-vous ? Laissez vos commentaires ci-dessous (c’est désormais possible sur Chien Créole2).

PS2 : La manifestation du 3 octobre, dont dépendra la suite du mouvement social en Guadeloupe, selon qu’elle aura ou non mobilisé un maximum de monde, partira du Palais de la Mutualité, à Pointe-à-Pitre, samedi matin à 9h00.

PS3 : si les analyses et reportages de ce blog vous intéressent, je vous invite à le faire connaître à vos contacts. N’hésitez pas non plus à me faire part d’informations intéressantes en votre possession que je n’aurais pas encore évoquées.