lundi 12 décembre 2011

GUADELOUPE, L'HEURE DE LA REVANCHE SARKOZISTE

(extrait de l'article publié dans le journal Sarkophage 12 nov. / 14 janv. 2011)

Début 2009, au terme de la plus longue grève générale à laquelle la république française ait été confrontée, 44 jours, le LKP, a fini, en Guadeloupe, par faire plier gouvernement et patronat. Il en a résulté deux accords, le premier, dit accord Bino, en hommage au syndicaliste abattu pendant le mouvement, et qui concernait l'augmentation de 200 euros pour les bas salaires, le second dit du 4 mars, concernant les 145 autres points de la plateforme de revendications. En dépit de cette victoire historique, la majorité des points actés n'a pas été respectée.

Michel Madassamy et Elie Domota devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre (photo © FG)


Alors que l'échec du mouvement à ce jour, résulte clairement de son incapacité à avoir pu maintenir la pression sociale au-delà de la signature formelle des accords, c'est astucieusement le principe du rapport de force social que politiques institutionnels, patrons hostiles au LKP et médias mainstreams vont désigner à l'envi comme portant en lui les germes de l'enlisement dans lequel se trouve la Guadeloupe aujourd'hui... Par ce tour de passe-passe, ils découragent habilement au sein de la population, toute velléité de reprise du mouvement sur des bases similaires. A cela s'est ajoutée une stigmatisation du LKP pour tout ce qui touche aux effets de la crise (crise dont les effets sont pourtant planétaires) systématiquement attribués en Guadeloupe aux supposées conséquences du mouvement des 44 jours.

(...) Jean Fabre, qui a succédé au préfet Desforges, plutôt que de s'embêter à négocier avec le collectif comme l'avait fait son prédécesseur, a opté pour une solution plus radicale : agir comme si le LKP n’existait pas. Ainsi, lorsque Elie Domota lui adresse un courrier en tant que porte-parole du LKP, la réponse qu'il reçoit est systématiquement adressée à M. Elie Domota, secrétaire général du syndicat indépendantiste, UGTG, son autre casquette. Quand le LKP sollicite le préfet pour réunir une commission de suivi des accords tel que l’État s'y était engagé le 4 mars 2009, le préfet s'y refuse. Pour lui, tous les problèmes sont réglés. Face à ce déni de réalité et à cette tentative de rendre le LKP invisible, on se demande où sont passés les ardents défenseurs autoproclamés du dialogue social qui s'étaient tant fait entendre en 2009 pour mieux fustiger les méthodes des grévistes.

Les médias, de leur côté, ne parlent quasiment plus du LKP. Pour exemple, lorsque le Bureau d’Études Ouvrières, BEO (un organisme créé par le LKP pour opérer ses propres contrôles des prix en grande surface et observer le respect ou non des engagements pris par la grande distribution en 2009) a présenté les résultats de ses premiers travaux, seule une journaliste institutionnelle, appartenant à une radio locale, a daigné se déplacer à la conférence de presse prévue à cet effet. Le BEO avait, grâce notamment, au travail de bénévoles, réalisé un comparatif des prix des supermarchés de la région de Pointe-à-Pitre et dénonçait par exemple le fait qu'un seul avait répercuté sur ses prix la baisse d'un impôt local, l'octroi de mer, que la Région leur a consenti à la demande du LKP, à partir de 2009 ! Un sujet pour le moins susceptible donc d'intéresser les Guadeloupéens...

L'autre volet de la contre-offensive du pouvoir est judiciaire, avec une répression syndicale qui frappe en premier lieu les cadres de l'UGTG, l'organisation pesant le plus lourd au sein du LKP. Ainsi, certains de ses dirigeants sont poursuivis pour avoir refusé de donner leur ADN. Un nouveau dispositif juridique censé être susceptible de s'appliquer à tout le monde permet de condamner les opposants politiques et syndicaux quand bien même la justice reconnaîtrait qu'ils n'avaient finalement rien à se reprocher quand on les a interpellés. Leur simple refus de se retrouver dans un fichier génétique comme de vulgaires délinquants sexuels suffit désormais, depuis une réforme de Nicolas Sarkozy, à les faire condamner. 


De vieilles affaires ressortent aussi comme l'affaire Madassamy, remontant à novembre 2002 et qui vient de passer en jugement. Des affrontements avaient eu lieu avec les forces de l'ordre alors que des employés de la compagnie pétrolière Texaco entendaient protester contre les mesures illégales prises par leur employeur. Trois syndicalistes avaient été arrêtés dans des conditions extrêmement violentes puisqu'on relèvera sur l'un d'entre eux notamment d'innombrables fractures... Dans le cas présent, la juge n'a pas suivi le procureur tant il est vrai que la défense n'avait eu aucun mal à mettre en lumière toutes les incohérences et contradictions du dossier. Le verdict a été rendu le 9 août et seul le frêle Michel Madassamy, une des figures de proue du LKP, s'est vu condamné à la peine dérisoire de 3 mois avec sursis, alors qu'il est accusé d'avoir blessé ce jour-là, armé d'une pierre... pas moins de seize gendarmes ! Les huit avocats de la défense ont tous dénoncé un procès politique. (...)

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com) et Nicolas Rey 

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